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violences conjugales et cancer
5 mars 2021

Menaces

En un clin d’oeil

En un clin d’oeil, j’ai compris que j’étais trompée. D’abord ce fut un faisceau de petits faits anodins. Par exemple, mon voisin me parla de cet officier de justice comme d’un ami, il le tutoyait. Cela me sembla curieux, je ne pus m’empêcher de faire remarquer à mon notaire depuis quatorze ans : combien c’était curieux qu’un agriculteur le tutoie. Pourtant, ils n’étaient pas des condisciples à l’école ! Maître X fit une tête bizarre : il avait l’air surpris mais en même temps géné : «je le lui dirai». En fait, je pensais tout de suite qu’il voulait cacher un secret, une entente. Mais j’oubliais très vite cette remarque. Une aute fois, lors d’une signature de contrat, alors que j’allais vers lui pour le saluer, et mon propre notaire tourna délibérément les talons. Juste étonnée, je ne fis aucune remarque. J’avais confiance. Combien des manières aimables peuvent vous éloigner de la vérité : d’autres remarques auraient pu me faire fuir mais non je ne les comprenais pas. Ainsi, d’une personne qui me faisait des difficultés pour me rembourser ce qu’elle me devait, au lieu de prendre mon parti, cet homme que je croyais de mon côté, me dit tout à tract «elle ne peut pas vous voir» je ne lui avais rien fait : un échange de lettres bien protocolaires. Comment pouvait-elle m’en vouloir ?
Mais voilà, pour être moins malheureux, on se raccroche à des impressions positives. Notre esprit chasse ce qui pourrait le troubler. Pourtant, un jour, je fus témoin d’un clin d’oeil complice. Celui qui voulait à tout prix m’acheter ce que je ne voulais pas lui vendre : une terre qui m’était chère parce qu’elle me remémorait mes souvenirs d’enfance. Parfois la voix de ceux qui nous ont précédés nous dicte des obligations. J’entends toujours les pleurs de ma grand-mère quand la voisine lui avait dit que mon père se laisserait convaincre et qu’après sa mort il leur vendrait la ferme. Alors ma grand-mère me fit solennellement jurer de ne pas vendre. J’avais onze ans et cette scène reste ancrée dans ma mémoire comme symbolique de ce long combat de mes grands-parents pour acquérir cette demeure datant de 1868, caractéristique de la région, symbole de leur réussite, surtout, parce qu’il l’avait acquise à force de privations, de travail. De métayer, mon grand-père était devenu propriétaire : il avait racheté à ses patrons leur ferme. Chose impensable, à une époque, où il n’y avait aucun prêt bancaire, aucune aide. Il fallait emprunter à des amis, des proches et c’était à des intérêts élevés. Pour rembourser, mon grand-père partait très tôt pour vendre le bois qu’il avait coupé sur sa propriété. Ma grand-mère économisait, vendait des oeufs, des légumes sur le marché et toute la famille travaillait sans relâche.
Ils étaient tous unis et le combat a continué dans les generations suivantes. Hélas, je suis seule pour le continuer.
Et je porte le poids d’une histoire si complexe. D’abord, la rivalité avec la maison voisine. Installés les premiers, les voisins jalousèrent ceux qui étaient venus après eux. Des mesquineries d’écolier, d’abord. Pour un barrière déplacée, ils appelaient la gendarme. Puis, il y eut la guerre de l’eau. Pour un mêtre ou deux de chemin qui n’avait pas été goudronné jusqu’à leur porte aux frais de mon grand père, ils interdirent qu’on aille puiser de l’eau potable dans leur source, près de leur maison. Il fallait donc qu’on parte sous le soleil pour aller chercher de l’eau à une fontaine perdue au fond de nos bois : et comme la cruche pesait quand il fallait la remonter par un pré en pente. En un clin d’oeil, je revois la scène et je sais que je ne pourrais jamais oublier. Le temps passa : après les grands parents, mes parents disparurent et nous fûmes face à face. Pour éviter de vendre des terres, j’acceptai tout : que mon voisin mette ses vaches dans mes champs, je lui vendis à contre-coeur des prés mais insatiable, il voulait toujours plus et notamment une terre que mon père m’avait interdit de vendre. Pour me convaincre, il me fit du chantage «si tu ne vends je ne te préviendrai pas même si ta ferme flambe.» Que faire ? En un clin d’oeil, je revis le long combat mené par mes parents et grands-parents : la lutte silencieuse et hypocrite de ces paysans, nos propres voisins : des lettres recommandées pour dénoncer mes parents à qui ils reprochaient de donner l’herbe à leurs ânes alors que c’était pour les vaches que seuls avaient les voisins. Je ne me sentais pas assez forte. Mais mon propre voisin que je croyais mon ami a délibérément vu le notaire et à deux ils se sont entendus pour me tromper. Je n’ai pu revenir sur la vente.
En un clin d’oeil, j’ai été trahie et j’ai trahi les miens qui sont toujours perdants dans cette guerre muette qui a duré tant d’années : plus d’un siècle !

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