La peur de l'homme inconnu et violent
Sur la route qui s'enfonce dans le bois sombre, je marchais lentement et précautionneusement pour ne pas m'embourer dans les ornières. J'avais peur mais pas des bêtes sauvages. Chassée par un inconnu qui me plongeait dans la terreur, je fuyais. Qu'allait-il me faire ?
Il me suivait et je ne savais pas pourquoi. Dans la crainte ancestrale de la femme qui craint l'homme fort, inconnu qui pouvait devenir violent et lui faire du mal, il subsistait inconsciemment le souvenir de ces contes de fées, où Le Chaperon rouge ou Blanche-Neige était la proie du chasseur qui cherchait à la faire disparaître.
Maintenant, l'ennemi est partout : derrière l'écran, il se déguise, adopte une autre identité ! Comment savoir ? Même ses photos peuvent être empruntées à un autre. Comme je croyais au Prince Charmant j'avais imaginé trouver l'âme-soeur par internet. Cela aurait été un beau cadeau de Noël. Discuter d'art, de voyages, échanger des idées et subrepticement, l'amitié s'était transformée en un sentiment plus tendre.
Mais, voilà ! Avais-je rêvé ou est-ce que c'était vrai ? Tout d'un coup comme on se réveille d'un lourd sommeil en ne reconnaissant pas la pièce où l'on se trouve, la réalité est déformée. On voudrait retenir le rêve mais comme une ennemie , la réalité vous saute en plein visage. Les parents disparus, depuis tant d'années, qui vivaient dans mon songe, sont définitivement morts. Comme dans le palais aux glaces déformantes des fêtes foraines, tout n'était qu'illusion. Et la solitude devient encore plus tragique : seule, seule, j'étais seule. Ce que j'avais pris pour un nouveau bonheur n'était qu'un ersatz.
Cet inconnu qui ne ressemblait en rien aux photos qui m'avaient fait rêver, je le redoutais. Dans ses yeux gris, une lueur cruelle, une auto-suffisance et un mépris avec lequel il toisait les gens connus ou inconnus. Sûrement c'était un homme violent et pour sauvegarder ma vie et mon avenir, il me fallait le fuir. Et je marchais, je marchais jusqu'à la station de bus la plus proche.
Plus tard, à l'abri chez moi , je m'interrogeai encore me parlant à moi même :
"Et dis, c'est vrai, cela s'est passé comme cela ou bien j'ai tout imaginé". Hélas, une mauvaise expérience de violences conjugales nous fait craindre pour toujours un homme inconnu qui ne sait pas communiquer avec nous autrement que par la crainte, la menace, le mépris.