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violences conjugales et cancer
11 janvier 2021

Deux coeurs en hiver : deux femmes battues qui se retrouvent

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Une vieille SDF enveloppée de couvertures pour s'abriter du froid. Elle était indifférente aux lumières de la ville. Les gens passaient, chargés de provisions et de cadeaux. Ils ne la voyaient pas, ils ne la regardaient même pas. Elle attendait, espérant toujours et toujours déçue. Pas une petite pièce et surtout pas, un mot d'amitié. Les rigueurs de l'hiver persistaient. Les citadins masqués ne s'attardaient pas. La pandémie les préoccupait. Déjà que la solidarité n'était pas l'apanage des Parisiens ! C'était plus dur maintenant. Chacun craignait son voisin, même l'inconnu qu'il croisait. La peur planait sur la ville comme sur tout le pays et comme dans le monde entier.

Si elle était là dans le froid, c'est parce qu'elle avait été chassée en été de son appartement, elle ne payait plus le loyer depuis des mois. Mais maintenant, c'était l'hiver : elle mourrait de froid. N'ayant pas de travail depuis très longtemps, des années qu'elle occultait dans sa mémoire, Solange n'avait pas de retraite, seulement le RSA. Comment se loger à Paris avec si peu ? Elle menait cette vie d'errance depuis dix ans. Elle avait fréquenté tous les hébergements d'urgence. Mais chaque fois, le répit était de courte durée. Il n'y avait pas de place pour qu'elle puisse rester. Trop de SDF donc, chacun ou chacune était obligé(e) de repartir à la rue après un jour ou deux. Et le froid retrouvé était encore plus mordant, plus cruel, plus implacable. Ensuite la peur des hommes SDF lui serrait le coeur. Comme pour se réchauffer, ils buvaient beaucoup d'alcool, bien sûr des rixes éclataient, elle avait beau se mettre à l'écart, les homme soûls l'importunaient souvent.
Seule, elle ressassait son passé. Mariée très jeune, elle avait souffert pendant presque quinze ans de la violence de son mari, de son mépris. Mais, alors qu'il lui avait fait abandonner ses études pour qu'elle s'occupe de son ménage, de sa fille, elle n'avait aucune qualification. Elle avait perdu son unique enfant de vue. D'ailleurs que pouvait-elle lui dire ? Elle avait honte de la vie qu'elle menait : sa déchéance. Sa fille lui avait été enlevée. Un jour, les assistantes sociales étaient venues et avaient emmenée Laure. L'enfant avait révélé que son père avait abusé d'elle. Solange, elle, n'avait rien vu, rien pressenti. Comment aurait elle pu imaginer une telle monstruosité : son époux l'envoyait faire des courses tard le soir et en profitait pour violer sa fille de onze ans ! Les juges l'avaient suspectée de complicité. Elle, qui avait toujours protégée sa fille, s'interposant entre le père souvent pris de boisson et l'enfant, ne lui révélant pas les coups donnés par Max, son conjoint. Emprisonné, Max avait profité d'une remise de peine pour bonne conduite et Solange avait toujours peur que son ex-mari la retrouve. Il lui en voulait d'avoir révélé les violences conjugales au procès. Il l'avait menacée de mort. Si elle était divorcée, à cause des dettes du couple, elle était partie sans rien. De petit studio, elle était passée en hôtel à bas prix puis en garni et maintenant c'était la rue. Une bouche de métro pour avoir un peu moins froid dans une rue passante d'un arrondissement du centre de Paris ! Et voilà, elle attend, elle était déjà dans une prison sans barreau. Enfermée dans sa peur du conjoint, enfermée dans sa crainte de révéler aux autres, sa passivité, prisonnière par amour pour sa fille qu'elle voulait protéger. Mais elle avait échoué sur toute la ligne. Son silence s'était retourné contre elle. Mère, elle avait perdu sa fille, épouse obéissante, son mari l'avait méprisée, trompée, frappée. Ses amis, déjà peu nombreux, l'avaient abandonnée. Plus personne, elle était désespérément seule.
Tout d'un coup, un chien passe et d'instinct va vers elle.Elle n'à plus de force mais elle accueille avec joie ce compagnon de misère.
Soudain, dans la nuit qui s'abat avec cruauté sur les SDF qu'elle frigorifié, elle entend des pleurs. Une femme assise sanglote. Elle est bien mise, assez jeune, plutôt jolie.
- "Qu'avez-vous ?
- Il m'a frappée et m'a jetée dehors."
La vieille mendiante lui révèle sa propre histoire. Elle avait elle aussi été mise à la porte. La jeune femme s'apaise. La mendiante lui insuffle du courage. La jeune femme va donner l'alarme à la pharmacie voisine. Elle dénonce son mari violent. Des policiers l'accompagnent chez elle. Elle prend ses affaires. Elle sera hébergée et ensuite pourra divorcer. Le mari violent est parfois emmenée par les policiers mais là, la mise en cause du conjoint avait été différée. Lors du deuxième confinement, les violences conjugales avaient augmenté de soixante pour cent.
La jeune femme revint dès le lendemain remercier la SDF avec de la nourriture, un peu d'argent et quelques vêtements chauds. Elle était toujours là et accepta avec reconnaissance les présents que lui offrit Claire, puisque c'était son prénom. Solange ressentit une émotion bizarre : Claire était le prénom de sa fille. La vieille femme scruta le visage de sa bienfaitrice. Elle ne découvrit pas les traits réguliers de sa fille. Sans doute, elle ne se souvenait pas bien. Elle l'interrogea d'une voix hésitante :
- "Vous avez encore vos parents ?
- Non, je ne sais pas ce qu'ils sont devenus.
- Vous ne les avez pas cherchés.
- Non, mon père m'a très mal traitée et ma mère a laissé faire. Je sais que mon père a été emprisonné, qu'ils ont divorcer et que ma mère est partie. Où je ne sais pas !
- Mais qui vous a élevée ?
- J'ai été adoptée par un couple généreux, cultivée, aimant. Ils m'ont permis des études à l'université. Malheureusement, quand je me suis mariée, je n'ai pas pu exercer mon métier d'avocate."
La similitude avec sa vie stupéfiait Solange. Elle, aussi, et pourtant elle était instruite, jeune, jolie. Sans doute, Claire était riche : elle portait un manteau de prix. Ses mains étaient ornées de bagues. Et pourtant ! Toutes les deux, l'une riche et l'autre pauvre, avaient été confrontées à la violence conjugale : frappées, chassées du domicile conjugal.
- "Votre mari, que fait il ? Avez vous des enfants ?
- Mon mari possède un cabinet d'avocat. Je l'ai aidée comme secrétaire et comme assistante juridique. Non, je n'ai pas d'enfant".
Un jour, Claire proposa à Solange de monter chez elle. L'appartement au deuxième étage était lumineux et il donnait sur la Seine : une vue magnifique et combien appréciable ! Le givre avait couvert d'une pellicule de givre les boîtes vertes des bouquinistes. Les mouettes et les canards voguaient sur le fleuve. Sous le ciel bleu, Paris paraissait magnifique dans le soleil hivernal avec ses monuments : Notre Dame, le Pont Neuf, la colonnade du Louvre. Le Paris qu'elle connaissait, c'était celui du trottoir, des poubelles, des bouches de métro, pensait Solange. L'hiver n'est pas le même partout, se disait elle ! Une douce chaleur régnait dans le salon où Claire la conduisit.Elle lui offrit du thé, des biscuits, du lait,du sucre : tous ces mets raffinés si exceptionnels pour elle semblaient à la mendiante un cadeau de Noël.
Au dessus de la cheminée trônait un grand miroir baroque. Solange s'approcha et découvrit son visage dans la glace : une figure repoussante qui lui fit peur. Ridée comme une vieille pomme, Solange avait les traits affaissés, ses joues rougies par le froid, ses mains gercées, elle avait perdu son combat contre l'hiver. La tristesse, le découragement l'incitant à baisser la tête. Même dans un endroit chaud, douillet, elle ne se sentait pas encore à l'abri. Dehors le froid de l'hiver l'attendait et ce bien-être passager ne serait après qu'un rêve. Les meubles dans le style du dix-huitième siècle, les tentures. Le tapis l'impressionnaient. Elle se sentait étrangère, presque honteuse de ses souliers éculés. Pourtant elle s'approcha d'un porte-photo fixé au mur. Dans un médaillon, en noir et blanc, une femme jeune qui ressemblait étonnamment à Claire portait un bébé dans ses bras. Et Solange se souvint : c'était elle. Elle, avec vingt-huit ans de moins ; comme elle était jolie, autrefois, comme elle avait l'air heureuse ! Quand elle se retourna vers Claire, ses yeux étaient remplis de larmes :
- "Qui est-ce ? balbutia-t-elle
- Ma mère biologique, je ne me souviens pas de ses traits. Le bébé dans ses bras, c'est moi ! Je croyais avoir jeté cette photo."
Solange ouvrit les bras et Claire s'y précipita. Elles s'étaient retrouvées. La chaleur de leur étreinte avait combattu efficacement le froid de l'hiver, l'indifférence et l'égoïsme.

 

 

 

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